L’organisation des aires protégées

 
Boîte à outils ou usine à gaz ?

Espaces naturels n°23 - juillet 2008

Droit - Police de la nature

Stéphane Doumbé-Billé
Professeur de droit public université Lyon 3

 

La détermination d’espaces naturels aux fins de leur protection est universellement partagée, et ce depuis le tout début du 20e siècle : le droit de l’environnement révèle là l’une des caractéristiques d’un droit commun aux différents systèmes de protection et de préservation de la diversité biologique. On observe d’ailleurs que le droit international et les droits communautaires régionaux et sous-régionaux ont été fondamentaux pour la consécration des « zones protégées ».
Il n’est pas toujours facile cependant d’appréhender les dénominations des catégories représentatives de ces espaces, ressources et milieux naturels.
Cette situation ne tient pas seulement à des problèmes terminologiques. Elle trouve son origine dans des différences substantielles entre désignations semblables qui en font parfois de véritables appellations non contrôlées.
Observons d’abord que les modes de gestion, s’ils restent caractéristiques de tel ou tel espace naturel, ne les déterminent pas exclusivement. L’essentiel se trouve dans le constat simple de la multifonctionnalité de ces espaces qui diffèrent par leur statut (international, national, local), leur taille, leur nature propre (terrestre, marine, lacustre), leur finalité (contrôle des activités, protection des habitats, ouverture au public) ou encore par les techniques juridiques de protection (loi, réglementation, contrat de gestion) dont les modalités peuvent être combinées.
Démarches réglementaires. On y range traditionnellement diverses aires protégées, tels que les parcs nationaux, les sites inscrits et classés, les réserves naturelles et les arrêtés de Biotope. Leur caractère réglementaire n’est plus une caractéristique exclusive dans la mesure où des mécanismes de concertation accompagnent de plus en plus leur mise en œuvre.
C’est le cas des parcs nationaux qui constituent, aujourd’hui encore, en dépit de l’évolution des classifications, le degré maximum de la protection des espaces naturels (avec les réserves intégrales). Terrestres ou marins, ils obéissent, contrairement à ce que l’on pourrait parfois penser, aux mêmes caractéristiques internationales. Ils sont créés par voie de loi et font l’objet de mesures restrictives assez étendues, notamment en vue de limiter la pression des activités humaines. Le type de réglementation, applicable par voie administrative, peut imposer des modèles de gestion différenciés selon les territoires et les contextes.
Tel est également le cas des réserves qui constituent une catégorie générique, laquelle peut se décliner en fonction du milieu à protéger et du particularisme de la protection à assurer. Les réserves diffèrent selon leurs statuts internationaux (réserves de biosphère), nationaux (réserves nationales, réserves biologiques domaniales), régionaux ou locaux (réserves naturelles régionales…). Les deux premières peuvent, à l’instar des parcs nationaux, être terrestres ou marines. Quant aux arrêtés de Biotope, ils constituent une modalité réglementaire particulièrement adaptée aux milieux de petite superficie en vue de protéger des espèces.
Acquisitions foncières. Il s’agit d’acquérir des milieux fragiles à titre conservatoire, afin d’éviter leur dégradation. C’est le cas de sites du littoral pour lesquels a été mis en place un outil institutionnel chargé de leur protection spécifique (Conservatoire du littoral) qui contractualise avec les collectivités chargées d’en assurer une gestion conforme aux finalités poursuivies.
Les « espaces naturels sensibles » départementaux sont des périmètres de protection, instaurés d’abord pour l’exercice du droit de préemption dans les départements littoraux, puis généralisés par la suite à tous les départements afin de préserver, avec une orientation domaniale, la qualité des sites, paysages et milieux naturels. D’autres territoires sont gérés, par acquisition ou par contrat, dans le cadre associatif des conservatoires d’espaces naturels.
Dispositions contractuelles. Elles sont en cours de systématisation et devraient se multiplier. C’est le cas depuis longtemps des parcs naturels régionaux dont la charte est négociée au cas par cas par les collectivités contractantes, c’est également celui des zones Natura 2000 (« zones spéciales de protection ou de conservation ») qui, en France, sont gérées sur la base d’un « document d’objectif » négocié par les partenaires locaux en fonction de l’insertion de la préoccupation de protection des espèces et habitats dans le tissu économique et social local.
Le tableau comparatif (p. 35) concerne la France. Il vise à clarifier cette situation au double regard de la législation nationale et du droit international et communautaire, afin que les mêmes notions correspondent à la même réalité juridique. Son but est de faciliter les rapprochements indispensables dans le domaine fort complexe des instruments de mise en œuvre de la protection de la nature.