Pas-de-Calais

Une trappe Heligoland pour capturer les oiseaux

 

Espaces naturels n°41 - janvier 2013

Méthodes - Techniques

Céline Vidal
Chargé d’études Eden 62

 

Technique millénaire, la trappe Heligoland a été remise au goût du jour pour améliorer la capacité et l’efficacité de capture des oiseaux. Elle autorise de s’affranchir des aléas des conditions météologiques. Dans le Pas-de-Calais, cette trappe est singulière par sa grande taille.

Le baguage des oiseaux est une opération délicate. Il s’agit d’assurer la capture quelles que soient les conditions météorologiques. Or celles-ci, très changeantes durant la période automnale, rendent difficilement possible la réalisation d’un baguage dont les durées soient identiques d’une année sur l’autre.
Dans le détroit du Pas-de-Calais, et plus particulièrement le secteur du cap Gris-Nez (un des axes majeurs de la migration), le baguage permet de mieux cerner le comportement des oiseaux, de connaître la structure et la dynamique des populations, d’appréhender les phénomènes migratoires. Les bagueurs locaux recherchaient donc une solution permettant la capture par tout temps.

Technique ancestrale. La réponse a été trouvée dans la mise en place d’une trappe Heligoland.
Cette technique de capture millénaire a été développée à des fins scientifiques au début du 20e siècle sur l’île allemande d’Heligoland. Elle se traduit sur le terrain par une forme de tunnel en entonnoir de grande taille, en filet ou en grillage, dont l’extrémité la plus petite permet, au travers d’une « boîte » de capture, de se saisir des oiseaux qui se sont aventurés ou qui ont été poussés jusque-là.
À l’intérieur de la trappe plusieurs clapets anti-retour conduisent l’oiseau jusqu’à cette « boîte » de capture au bout de l’entonnoir.
Implantation. Le syndicat mixte Eden 62 et Cap ornis baguage (association des bagueurs et aides bagueurs régionaux) ont mis leurs compétences en commun pour concevoir et étudier la possibilité d’implanter ce type d’équipement. En effet, en parallèle de la trappe elle-même, le projet nécessite une infrastructure susceptible d’accueillir les bagueurs tant pour les opérations de baguage que pour leur hébergement.
L’équipement a été implanté sur la Dune Noyon au sein de l’espace naturel sensible des dunes du Fort-Vert. Ce site s’est avéré le plus pertinent : outre le couloir migratoire tout proche, les habitats sont très prisés par l’avifaune car le site joue l’effet d’isolat au cœur d’une zone agricole. Par ailleurs, le territoire anciennement clos devenu depuis 2009 propriété du Conservatoire du littoral est gardienné en permanence.

Description. Au Fort-Vert, la gueule d’entrée de la trappe Heligoland s’étend sur 43 m de large sur 6 m de haut. Elle est orientée à l’est, afin de capter les oiseaux en migration post-nuptiale. À l’extrémité opposée, c’est-à-dire à l’ouest, 80 mètres plus loin, la boîte de capture est constituée d’une série de peignes de plus en plus fins qui permettent de trier les oiseaux en fonction de leur taille. Un système de repasse (système audio reproduisant le chant des oiseaux) est également mis en place pour attirer les volatiles.
Ce piège activé de la mi-juillet jusqu’aux environs de la fin novembre, nécessite la présence permanente d’au moins deux personnes, pour « pousser » les oiseaux dans la trappe efficacement. Par leur agitation, elles les amènent à s’engouffrer au plus profond dans l’entonnoir constitué par la trappe.

Management. En termes de personnel, le projet nécessite l’embauche d’un titulaire du permis de baguer. Il est également indispensable d’offrir un hébergement gracieux aux bénévoles qui feront tourner la station. Sur le site, un bâtiment permet d’ailleurs cet hébergement et l’accueil de l’équipe technique, ce qui ajoute au coût indirect du baguage. Les bagueurs sont généralement des professionnels du baguage, bénévoles agréés CRBPO (1), qui apprécient de venir au Fort-Vert, où les possibilités de baguage sont continues et diversifiées.

Sensibilisation. Les partenaires du projet s’en sont également saisi afin d’en faire un outil de formation des bagueurs mais également de sensibilisation et de pédagogie tout public. Un financement de la fondation Procter & Gamble a permis d’installer un équipement accessible aux personnes à mobilité réduite venues en visite ou en formation.
Les informations récoltées sont transmises au Muséum national d’histoire naturelle.
Le projet a l’ambition de devenir un lieu de recherche scientifique d’analyse des populations d’oiseaux, de rang national, voire européen, d’autant qu’il est complété par divers dispositifs de baguage (filets japonais et canopée, matoles…). •

1. Centre de recherches par le baguage des populations d’oiseaux.