Massif de la Sainte-Victoire

Élaboration concertée du plan de gestion chasse et du document d’objectif

 

Espaces naturels n°20 - octobre 2007

Gestion patrimoniale

Aline Quod
Office national de la chasse et de la faune sauvage

 

Élaboration concertée du plan de gestion chasse et du document d’objectif

Quand chasseurs et gestionnaires des espaces naturels s’entendent…, pourrait-on titrer sur cette expérience, suffisamment inusitée pour qu’on s’y intéresse. En effet, le grand site du massif de la Sainte-Victoire a participé à l’écriture du plan de gestion cynégétique et faunistique (plan de chasse) tandis que le groupement d’intérêt du même nom s’impliquait dans la rédaction du document d’objectif (Docob).
Les résultats se traduisent, notamment, par la définition d’une mesure commune aux deux documents : « Rouvrir des parcelles définitivement abandonnées par une remise en culture à intérêt biologique. » Pour ce faire, des réalisations ont été menées – ensemble – : débroussaillement, préparation des terres, semis… Des suivis de la faune sauvage et patrimoniale sont également réalisés conjointement. Le Docob Natura 2000 du Grand Site Sainte-Victoire prévoit d’ailleurs explicitement de « soutenir les actions de revalorisation biologiques des milieux définitivement abandonnés par l’agriculture, réalisées dans le cadre du schéma local de gestion cynégétique ».
Certes, le contexte s’avérait favorable puisque les dix-neuf associations de
chasse (communales et privées, soit environ 1 000 chasseurs) sont regroupées et que le groupement d’intérêt cynégétique et faunistique (GICF) couvre ainsi la quasi-totalité du massif, soit 25 000 hectares.
Trois étapes
1re étape : se rencontrer. Alors que le syndicat mixte départemental du grand site Sainte-Victoire conduit la démarche Natura 2000 et s’ouvre à la concertation, les chasseurs, désireux de promouvoir leurs objectifs, participent activement aux ateliers de travail. Des convergences émergent : maintenir une mosaïque de milieux ouverts est favorable au gibier, à la défense contre l’incendie, au maintien de la biodiversité (insectes, reptiles chiroptères d’intérêt communautaire) et des paysages. Cette confluence des enjeux mais aussi le fait de travailler véritablement ensemble, de choisir d’un commun accord les mêmes zones d’intervention, d’utiliser les mêmes outils se révèlent essentiels pour la cohérence du projet. Le système d’information géographique du grand site, par exemple, permet de définir une cartographie commune.
La concertation avec les randonneurs et les éleveurs au cours des ateliers thématiques Natura 2000 et des réunions du groupement d’intérêt cynégétique permettent d’aboutir à des actions spécifiques pour une meilleure cohabitation entre les activités de pleine nature et la chasse1.
C’est dans cet esprit qu’une convention de partenariat est signée entre l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), la fédération départementale des chasseurs, le GICF et le Grand Site Sainte-Victoire. Reconduit pour cinq ans, ce contrat définit les rôles de chacun dans l’élaboration, la diffusion et la mise en application du plan de gestion cynégétique2.
2e étape : le diagnostic cynégétique. L’état des lieux des territoires de chasse est réalisé par le biais d’une enquête et d’un diagnostic de terrain. Chaque association de chasse remplit une fiche enquête personnalisée. Elle établit la liste des espèces chassées avec une estimation de leur niveau d’abondance et de l’évolution des effectifs. Les modes et jours de chasse sont également consignés. Par ailleurs, des sorties sur le terrain permettent de localiser les aménagements cynégétiques existants. C’est à travers l’analyse des données que les enjeux, puis les objectifs de gestion relatifs aux trois volets du plan d’action sont alors définis. Cette analyse est réalisée sur la base d’échanges entre chasseurs et gestionnaires, lors de diverses réunions internes. Elle débouche sur la définition du plan d’action.
3e étape : le plan d’action. Le plan d’action respecte une trame classique : chaque objectif est décliné en fiches action, classées selon un niveau de priorité. Le tout s’inscrit dans un plan de travail sur cinq ans visant à évoluer vers une chasse durable sur ce massif.
Le volet prioritaire consiste à faire face à la fermeture des milieux, causée en partie par la déprise agricole et pastorale. Comme le petit gibier voit ses populations diminuer de façon alarmante, les chasseurs proposent des secteurs d’intervention aux partenaires locaux. La consultation de cadastres, de photos aériennes et l’expérience des chasseurs, permettent de localiser des parcelles anciennement cultivées en fonds de vallon et en colline et d’évaluer le coût de leur réouverture.
Par la suite, vingt secteurs de 28 ha minimum3 ont été identifiés et localisés en fonction des aménagements existants, des potentialités, des populations de perdrix rouge ; cette dernière étant considérée comme caractéristique des milieux ouverts et de lisière.
Réflexion, action
Les propositions pour aménager ces secteurs sont définies et sont cartographiées collectivement à partir :
- des préconisations issues de travaux de recherche de l’ONCFS sur la perdrix rouge4 ;
- des recommandations sur l’aménagement des milieux fréquentés par le petit gibier ;
- des propositions de l’Institut méditerranéen du patrimoine cynégétique et faunistique5 ;
Les premières invitent à cultiver un minimum de 1 % de la surface du secteur, à ensemencer chaque parcelle d’un mélange légumineuses-graminées sur 2 000 m2 minimum et à les répartir de façon homogène. Les suivantes préconisent de disposer un maillage en réseau de points d’eau et d’agrainoirs, de conserver un couvert arbustif, des banquettes herbeuses et des friches à proximité de la zone cultivée. Enfin les dernières concernent le débroussaillement alvéolaire prévu pour offrir une configuration « en peau de léopard ».
Un niveau de priorité est déterminé, pour chaque secteur, en fonction du degré de fermeture, de l’intérêt cynégétique, patrimonial, de la défense des forêts contre l’incendie et de la protection paysagère du secteur. Les premiers travaux : cultures cynégétiques, débroussaillements, répondent aux objectifs fixés. Il sera nécessaire de maintenir des corridors biologiques entre les secteurs, indispensable pour éviter la fragmentation des populations.
Les coûts de la concertation
La réussite des aménagements proposés réside dans leurs intérêts communs avec les autres programmes locaux (plan intercommunal de débroussaillement et d’aménagement forestier, chartes et futur schéma départemental de gestion cynégétique) qui permettent leur financement et assurent une cohérence dans la gestion globale du massif. Les actions concernant la gestion des espèces sont le fruit de discussions et de validations par l’ensemble des représentants des territoires de chasse, du technicien fédéral concerné et des ingénieurs de l’ONCFS. Ce travail a nécessité la mise à disposition par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage d’une personne à temps plein sur presque deux ans. Mais cette période, variable en fonction du contexte cynégétique local et de la précision des données, peut être ramenée à une année. La première tranche de travaux a été financée à hauteur de 22 000 euros (cf. encadré). Désormais, pour maintenir l’animation, pivot incontournable pour la réussite de cette opération, le GICF, basé sur le volontariat et sans salarié, doit trouver des solutions pour faire vivre ce document de gestion.

1. Installation d’un panneau d’information sur les secteurs et les jours de battues au grand gibier par exemple.
2. Un comité de pilotage en assure le suivi. Un soutien technique est apporté par le conseil général, l’ONF, le centre régional de la propriété forestière, l’Institut méditerranéen du patrimoine cynégétique et faunistique, la chambre d’agriculture et le Centre d’études et de réalisations pastorales Alpes-Méditerranée.
3. Surface à partir de laquelle il peut y avoir un impact positif sur l’avifaune.
4. Travaux en cours.
5. Organisme scientifique créé en 1990 par les fédérations départementales des chasseurs du Sud de la France, l’ONCFS et la Fédération nationale des chasseurs.

En savoir plus
Marc Verrecchia - Responsable scientifique du grand site Sainte-Victoire
>>> Mél : marc.verrecchia@
grandsitesaintevictoire.com
Tél. : 04 42 64 60 95