>>> Valoriser la forêt

Fraïsse-sur-Agout se chauffe au bois

 
Mode d’emploi et faisabilité

Espaces naturels n°20 - octobre 2007

Méthodes - Techniques

Jacques Plan
ONF Direction de l’environnement et du développement durable

 

Si elle ressemble à beaucoup d’autres collectivités de moyenne montagne, Fraïsse-sur-Agout (Hérault) cultive sa différence en forêt. Non parce qu’il s’agit de taillis de hêtres (80 %), de boisements de pins et d’épicéas (20 %), mais parce la commune a choisi d’utiliser ce « capital » pour chauffer plusieurs bâtiments municipaux. Ainsi, depuis 2003, des plaquettes de bois déchiqueté viennent alimenter un réseau de chaleur installé en remplacement du chauffage électrique.
La décision, qui remonte à 2001, répond à un choix économique, social et éthique, mais le passage à l’acte repose sur une analyse réaliste de la faisabilité du projet.
Petite commune, Fraïsse-sur-Agout compte 350 âmes et voit sa population dépasser le millier de résidents en période estivale. Implantée à 700 mètres d’altitude, elle possède une forêt de 950 hectares gérée par l’Office national des forêts (ONF), dont 190 hectares reboisés il y a trente ans1. Le projet vise à valoriser les sous-produits, non commercialisés, de l’exploitation de cette forêt (éclaircies et houppiers) mais aussi à s’affranchir des fluctuations du coût des énergies traditionnelles. L’objectif consiste, aussi, à soutenir l’emploi et l’activité économique locale tout en confortant l’image environnementale de cette commune touristique.
Côté technique. Issu de la forêt communale, le combustible est constitué de plaquettes fabriquées et stockées dans un hangar de 1 000 m3. Elles servent à alimenter la chaufferie d’une puissance de 450 kw (installée au cœur du village) : déversées dans un silo enterré de 130 m3, les plaquettes sont transférées au foyer par un convoyeur à vis. Par grand froid ou en basse saison (la chaudière ne doit pas produire moins de 60 kw), une chaudière fioul de 400 kw apporte une énergie d’appoint (10 % de l’énergie totale produite par l’installation).
La chaleur (une vapeur chauffée à 90°- 95°) est véhiculée par le biais de tuyaux calorifugés enterrés. Un réseau de 700 mètres alimente ainsi les bâtiments communaux (gîtes de vacances, maison des associations, logements locatifs), mais aussi la mairie, les écoles, l’agence postale, la bibliothèque, de nouveaux gîtes aménagés dans le presbytère et l’ancienne poste. D’autre part, vingt-cinq habitations privées ont demandé leur raccordement.
On compte aujourd’hui cinquante compteurs caloriques pour une consommation de 250 kw et une surface chauffée de 4 000 m2.
Gérer le consommable. Afin d’approvisionner le site de stockage en plaquettes forestières, la commune a délégué la maîtrise d’œuvre à l’ONF. Aux termes de cette convention, l’Office national des forêts est chargé :
- de choisir des produits de coupe, conformément à l’état d’assiette2 prescrit dans le plan d’aménagement ;
- de consulter des entreprises d’abattage, débardage, transport et déchiquetage (les entreprises retenues signent un contrat de trois ans avec la commune et sont rémunérées au volume traité) ;
- d’organiser la surveillance des chantiers ;
- de réceptionner les plaquettes, conformément au cahier des charges de la chaufferie.
La consommation annuelle de la chaufferie-bois est d’environ de 300 tonnes de plaquettes soit 400 m3 de bois rond. Les arbres sont exploités en hiver. Triés sur place, ils sont ensuite transportés devant le hangar de stockage où ils sont broyés en mai-juin, en une seule fois (trois ou quatre jours), par un broyeur mobile. La granulométrie moyenne des plaquettes est de 35 x 30 x 5 mm. Les plaquettes sèchent tout l’été. En automne, elles atteignent le taux d’humidité de 30 % requis pour le fonctionnement optimum de la chaudière. On notera que le mélange des essences résineuses (pins, épicéas) ne présente aucun inconvénient et, à l’inverse, que la chaudière ainsi chargée produit très peu de cendres (trois tonnes par an étendues en forêt).
Bilan social. L’installation de la chaufferie communale n’a pas entraîné de création d’emplois directs ; elle a permis, cependant, de conforter ceux existants.
Ainsi, les employés communaux procèdent à l’entretien de la chaudière (deux heures par semaine pour le ramonage et le décendrage). Ils opèrent au chargement périodique du silo (deux bennages/mois), au contrôle permanent des installations et du stock de granulés. Ils relèvent mensuellement les compteurs caloriques.
L’installateur/réviseur de la chaudière habite la ville voisine de Castres (81) et les entreprises assurant l’exploitation et le transport du bois sont installées dans le canton. Seule la déchiqueteuse mobile vient du Vercors.
Par ailleurs, cette installation a permis à la commune de bénéficier du pôle d’excellence rurale, porté par la communauté des communes du Haut-Languedoc (labellisé en juin 2006). À ce titre, elle hébergera un des trois écosites sur les énergies renouvelables (bois-énergie, hydraulique, éolien) et participera à l’approvisionnement de la plateforme de tri et de commercialisation des bois qui sera installée à la Salvetat-sur-Agout. D’une manière générale, le projet a accompagné le développement touristique du village et conforté son image d’excellence environnementale (gîtes communaux aux normes HQE…).
Bilan économique. Aujourd’hui, le kilowatt heure est facturé environ 4 centimes (3,66 centimes en 2004) aux particuliers, soit un tiers du prix du kilowatt électrique. L’abonnement au compteur calorique est fixé à 16 euros par mois et la taxe de raccordement varie entre 800 et 1 200 euros par an selon la puissance installée.
Ce bilan très positif doit prendre en compte le fait que le budget d’investissement a été couvert à 80 % par des subventions3. Ainsi, le coût total du projet (hangar, chaufferie, réseau, études, maîtrise d’œuvre) s’est élevé à environ 840 000 euros HT ; l’autofinancement communal à 168 000 euros HT (20 %). Le temps de retour sur investissement est alors estimé à cinq ans.
En revanche, en termes d’exploitation, le coût s’élève à 31 000 euros par an. Le prix de revient entrée stockage est d’environ 2 centimes d’euros par kw/heure (voir tableau détails des coûts).
Un bilan financier suffisamment satisfaisant pour que le conseil municipal envisage d’étendre le réseau et d’implanter une nouvelle chaudière, plus puissante.

1. Dans le cadre du contrat avec le fonds forestier national (FFN).
2. L’état d’assiette est un document juridique qui précise les coupes à effectuer et leurs caractéristiques, pour une année donnée.
Ce, dans le respect des documents d’aménagement forestier.
3. Dotation générale d’équipement (6 %) ; Ademe (19 %) ; région (21 %) ; département (10 %) ; Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (24 %).

En savoir plus
www.ademe.fr
Revue Communes forestières de France - n° 36 janvier 2007