Le « Grenelle » à l’épreuve du temps

 

Espaces naturels n°39 - juillet 2012

Édito

Michel Métais­­­
Président de l’Aten, directeur général de la LPO

Le Grenelle de l’Environnement a suscité une dynamique et des espoirs inespérés en faveur de la biodiversité. Sa gouvernance fut inédite et novatrice, même si les gestionnaires d’espaces naturels ont été, à tort, laissés de côté. En quatre mois, les collèges Collectivités, Employeurs, État, ONG environnementales et Salariés ont, dans une ferveur inconnue jusqu’alors, élaboré 278 mesures touchant les politiques de l’énergie, des transports, des déchets, de l’agriculture et des espaces naturels. Au Grenelle, on doit le non-usage des OGM en agriculture et dans l’alimentation ; à ce jour respecté !
En matière d’espaces protégés, les principales innovations demeurent sans conteste la Trame verte et bleue et la Stratégie de création des aires protégées. Déclinées en région à travers notamment les schémas de cohérence écologique, ces politiques constituent de nouvelles bases pour la protection de la nature en France. Et même si l’Outre-mer n’est pas traité à la hauteur des enjeux, il n’a pas été oublié, comme en témoigne le programme Terres et mers ultramarines animé par l’Aten. La stratégie en faveur de la biodiversité 2010 vient opportunément compléter le processus engagé trois ans plus tôt.
Face à ce tableau flatteur, un certain nombre d’éléments invitent à maintenir la mobilisation. Des déclarations comme « l’environnement, ça commence à bien faire » sont venues rajouter à l’essoufflement des acteurs du Grenelle.
Des déréglementations ont été promues sans autre précaution des enjeux écologiques pour relancer la construction des logements, libérer les productions agricoles et forestières, développer le photovoltaïque. Les tendances lourdes d’artificialisation du territoire n’ont pas été inversées : 80 000 ha d’espaces naturels ou ruraux sont urbanisés chaque année, soit deux fois plus qu’en Allemagne ! Même la création de nouveaux parcs nationaux s’avère difficile : celui des Calanques tient plus d’un parc naturel régional, celui de forêt a du mal à émerger, celui de zone humide ne trouve pas preneur.
Fondamentalement, les Français ont du mal à « changer de braquet » : la consommation énergétique (non renouvelable) continue de croître, l’espace urbain s’étend à un rythme effréné, l’agriculture biologique passe péniblement de 2 % à 3,4 % en 4 ans, et la trame verte et bleue reste encore virtuelle pour la plupart des régions. À l’aube d’une nouvelle réforme de la Pac et des fonds structurels, dans un contexte de marasme économique doublé d’une sensibilité trop peu développée de nos responsables politiques, la période à venir s’avère décisive pour la biodiversité.
Le Grenelle doit retrouver un second souffle. Faute de quoi il y aurait trop d’engagements non tenus et trop d’espoirs déçus.