Infraction et contentieux

La médiation pénale : une solution gagnante

 

Espaces naturels n°20 - octobre 2007

Droit - Police de la nature

Serge Cojean
Agent technique - Office national de la chasse et de la faune sauvage du Morbihan

 

Face à un constat de travaux illégaux sur une zone humide, le parquet de Lorient choisit de mettre en place une médiation pénale. Une alternative au classique « procès » intéressante pour l’environnement.

Décembre 2004 : le service départemental de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) du Morbihan apprend que des travaux ont été réalisés en zone humide, sur la commune de Quiberon. Or, dans ce type de milieu, tout aménagement est soumis à déclaration ou à autorisation en fonction de leur nature et de leur ampleur. Trois agents affectés au service, commissionnés au titre de la loi sur l’eau, se rendent donc sur les lieux.
Sur place, ils constatent que des travaux, relevant de la nomenclature du décret 93-743, ont été effectués, en contravention avec la réglementation en vigueur. La surface naturelle du sol a été décapée et un remblaiement est en cours d’exécution. La zone endommagée représente une superficie de plus de 10 000 mètres carrés.
Le maître d’ouvrage étant une SCI, propriétaire de trois prairies humides, les agents rencontrent son responsable. Il s’avère qu’effectivement aucune déclaration n’a été déposée, qu’aucune autorisation n’a été sollicitée : les travaux ont été entrepris malgré les mises en garde réitérées de la mairie de Quiberon et l’intervention de la police municipale. Le but inavoué est d’agrandir un terrain de golf déjà existant. Les fonctionnaires du ministère de l’Écologie établissent alors un procès-verbal de constatations au titre du décret 93-743, des articles L. 214-1-2-3 et L. 216-8 du Code de l’environnement.
Le parquet de Lorient souhaitant traiter l’affaire par la voie de la médiation pénale et aboutir à une remise en état du site, un médiateur est commis par le procureur de la République. Celui-là provoque une réunion qui, en mairie de Quiberon, rassemble le mis en cause et ses conseils, les services techniques, les élus en charge de l’urbanisme et la police municipale de la ville de Quiberon, deux associations locales de protection de la nature, les services de l’État (DDE, DDAF et ONCFS). À l’issue de la discussion, menée de main de maître par un médiateur parfaitement rôdé à ce genre d’exercice, un accord est adopté par l’ensemble des parties. Il conclut que la SCI réhabiliterait totalement la zone endommagée, à ses frais et dans un délai imparti, en suivant les prescriptions édictées par la direction départementale de l’Agriculture et de la forêt.
La procédure de médiation pénale ainsi conduite présente plusieurs avantages par rapport à une comparution devant une juridiction. En effet, outre un modeste dédommagement versé aux associations de protection de l’environnement plaignantes, la SCI incriminée a également déboursé une somme fort conséquente pour la réhabilitation des lieux (le montant des travaux de restauration s’est avéré beaucoup plus important que le risque financier encouru dans le cadre d’une comparution classique). Par ailleurs, s’agissant de contraventions, une remise en état ne pouvait être imposée par le juge. Une large diffusion de l’affaire, dans la presse régionale, a eu un effet de sensibilisation du grand public à l’intérêt de la conservation des zones humides et, souhaitons-le, un effet pédagogique pour les aménageurs potentiels. Une partie du patrimoine naturel commun aura été
préservée dans un secteur côtier où les tentations de neutraliser les zones naturelles, au profit d’infrastructures touristiques, sont omniprésentes.
Dans ce cas de figure, la médiation pénale aura donc constitué la meilleure solution, elle peut d’ailleurs parfaitement s’appliquer à bien d’autres situations lorsque le souci majeur est la reconquête de l’état initial des milieux naturels.