L’occasion de lutter contre l’érosion génétique
Espaces naturels n°32 - octobre 2010
Jean-Paul Roger
Conservatoire botanique national méditerranéen
À l’été 2003, un incendie dévaste la forêt des Maures, dont 2000 hectares sur la commune de la Garde-Freinet. Sept ans plus tard, le site de Notre-Dame-de-Miremer a changé de visage. Deux projets ont été initiés : un chantier de valorisation du patrimoine a permis la restauration des jardins en terrasse et la plantation d’un verger de figuiers ; un projet de reboisement artistique utilise les courbes de niveaux pour créer une forme d’empreinte digitale. Il s’intitule « Lignes de vues ».
Créé en février 1979, le Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles a pour mission fondamentale la conservation des plantes rares et menacées en région méditerranéenne française. Notamment à travers la lutte contre l’érosion génétique et le maintien de la diversité. Plus largement, il s’agit de préserver un maximum de possibilités d’adaptation pour l’avenir1.
Concernant l’arboriculture fruitière, vint-cinq années de prospection en région méditerranéenne française ont permis de retrouver plus de cinq cents variétés de terroir, toutes espèces confondues. Entre autres, une collection variétale de figuiers d’une exceptionnelle richesse, implantée sur plusieurs parcelles agricoles du domaine sur l’île de Porquerolles.
Pour des raisons facilement compréhensibles (risque de destruction par incendie ou accident phytosanitaire), il n’est pas souhaitable qu’une collection variétale n’existe qu’en un seul endroit. Pour chaque espèce fruitière concernée, le Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles est donc à la recherche de partenaires susceptibles d’héberger des doublons. La restauration et valorisation du site de Notre-Dame de Miremer était l’occasion de dupliquer les collections variétales.
Le choix s’est porté sur les figuiers. Au même titre que l’olivier, le figuier est un arbre symbole de la Méditerranée. Des restes fossiles de Ficus Carica ont été trouvés dans tout le bassin méditerranéen, datant d’une époque antérieure à la pratique de l’agriculture (10 000 ans environ). Par ailleurs, le grand public ignore l’extrême diversité existant au sein de l’espèce : figues ressemblant à un oignon (Bourjassotte), à une poire (Col de dame), à une massue (Abicou). Figues jaune pâle (Marseillaise), violet foncé (Bellone), brun rouge (Brunswick)...
Arômes de fraise ou de framboise, parfois de cassis... Saveurs rappelant avec subtilité le miel ou le chocolat... Une collection variétale judicieusement présentée peut constituer un extraordinaire outil pédagogique. Formes, couleurs et saveurs varient à l’infini avec d’imperceptibles nuances.
Les différences qui s’expriment d’une variété à l’autre illustrent bien mieux que tout discours la notion de diversité intraspécifique.
1. Le CBNM de Porquerolles a rassemblé sur l'île des collections de fruitiers méditerranéens. Ces variétés de terroirs sont parfois plus tolérantes à certains parasites et maladies que les variétés modernes. Il est possible de les utiliser comme géniteurs, d'introduire certaines de leurs caractéristiques dans les variétés commerciales pour en améliorer la résistance aux maladies, la couleur, la saveur notamment.