Risques de submersion

Restaurer les dunes digues

 
Dunes domaniales atlantiques

Espaces naturels n°39 - juillet 2012

Gestion patrimoniale

Loïc Gouguet
Chef de projet littoral ONF

 

Paysage et patrimoine écologique, les dunes ont un rôle de défense contre la mer. Leur gestion s’intègre dans les démarches d’aménagement des territoires.

En février 2010, la tempête Xynthia, par la conjonction d’un phénomène météorologique violent et d’un niveau de la mer très élevé, a provoqué la submersion du littoral du sud de la Vendée et du nord de la Charente-Maritime. Au prix de leur propre fragilisation, les dunes domaniales ont permis de protéger de nombreuses zones basses.
Pour approfondir la caractérisation du service de protection des dunes domaniales contre les submersions, l’Office national des forêts a réalisé en 2010 une étude visant à hiérarchiser les zones d’intervention.

Altas. Le résultat a été formalisé par un atlas cartographique. Il précise la position des dunes domaniales au regard d’un indice d’évaluation global du service de protection, en fonction des enjeux. L’analyse a permis de caractériser les différentes formes
rencontrées.
• Les dunes équilibrées (type I). Elles sont caractérisées par un profil large (> à 50 m) et un volume sédimentaire conséquent. Leur largeur garantit la stabilité du cordon face aux attaques mécaniques de la houle et des vagues de tempête (érosion marine et brèches de tempête) et permet à la dune d’assurer son rôle d’amortisseur de la houle tout en pouvant librement évoluer. Leur hauteur permet d’assumer la fonction de barrière face à la montée exceptionnelle du niveau marin.
• Les hauts cordons bordiers étroits (type II). Ce sont des dunes réduites à un étroit cordon dunaire bordier (parfois moins de 30 m de large). La hauteur du cordon est importante, suffisamment pour faire obstacle à l’intrusion marine, mais des événements tempétueux répétés risquent, à terme, de supprimer la protection offerte par ces cordons.
• Les cordons sensibles (type III). Ils s’illustrent par un cordon dunaire peu développé ou destructuré. Il devance une dépression ou une zone plane de basse altitude, champs de dunes ou marais. Ces secteurs sont critiques dans la mesure où l’eau de mer peut rapidement s’étaler dans la dépression d’arrière cordon en cas de brèche.
Dans une optique de gestion du service de protection, ces zones sont à prioriser.

Gestion. Il s’agit donc, a priori, de traiter les dunes de type III au droit des zones d’enjeux importants, et de concevoir l’entretien/restauration des dunes de type II (et III) après un épisode tempétueux. Les dunes de type I relèvent d’une gestion ordinaire mais vigilante.
Les options qui s’offrent consistent soit à organiser la relocalisation des activités, lorsque le niveau de risque est si haut qu’un dispositif de protection aurait un coût exorbitant au regard de la valeur des biens à protéger (analyse coûts/bénéfices) ;­­­­­ soit à maintenir le trait de côte en confortant ou érigeant des structures de défense côtière.
Cette dernière option peut se décliner en deux techniques, l’une dure (digue béton, empierrements…), hors de propos ici, et l’autre souple (confortement du cordon dunaire par rechargement en sable…).
En fonction de la situation, le confortement du cordon dunaire pourra être réalisé selon plusieurs principes :
1. L’érosion marine entaille une falaise dunaire (1) qui ne remet pas en cause la stabilité de la dune : rechargement en sable en haut de plage.
2. Très forte érosion marine qui supprime les capacités du cordon de dune à jouer le rôle de protection : rechargement sur le cordon existant (devant ou derrière).
3. L’érosion marine érode le cordon en quasi-totalité : on recherche alors des cordons anciennement fixés en retrait du trait de côte, sur lesquels le dispositif peut s’appuyer. On maintient une zone de liberté pour le cordon bordier érodé, jusqu’à la première ligne topographique significative.
Un rechargement peut aussi être effectué au niveau du versant interne (côté terrestre) ou pour conforter les cordons de deuxième ligne. Cela peut passer par l’acquisition, par la puissance publique, de parcelles permettant une libre évolution du sable.
Une telle opération doit s’accompagner des mesures de gestion des milieux dunaires : canalisation de la fréquentation, information du public, végétalisation, contrôle de l’envol du sable…

Technique. La technique de rechargement est efficace pour maintenir les différentes fonctionnalités des dunes domaniales, sans interrompre les échanges plage/dune. Elle nécessite toutefois une phase préalable importante d’études techniques et d’instruction réglementaire :
• Choix de la zone de prélèvement (terrestre, maritime, distance de transport…) • Caractéristiques granulométriques des sédiments (sédiment d’emprunt/sédiment naturel en place…) • Définition du profil d’équilibre de la plage et de la profondeur limite d’action de la houle sur les sédiments • Estimation du volume à mettre en place • Technique utilisée (clappage, projection, rechargement terrestre…) • Évaluation de la fréquence des nécessaires rechargements d’entretien, des suivis topographiques • Coût de l’opération, y compris entretiens ultérieurs, selon la durée de vie estimée par rapport à l’érosion marine.
Tout ceci sans omettre l’aspect réglementaire de l’opération (maîtrise d’ouvrage, loi sur l’Eau, intervention sur le DPM, Natura 2000, compétences des collectivités locales…) et l’aspect financier (subventions, financements…).
Il conviendra également de veiller à l’évolution du contexte juridique, car si la législation actuelle relative aux digues de défense ne s’applique pas aux dunes, elle est probablement sujette à évolution.
En ce cas, les obligations du propriétaire (État) ou du gestionnaire (ONF) seraient redéfinies : missions, financements…
La réflexion engagée par les collectivités dans le cadre des Papi (2) peut intégrer les cordons dunaires dans le système de défense du territoire. •

1. Escarpement taillé par l’érosion marine dans une dune ancienne restée meuble. • 2. Plan d’action et de prévention des inondations.