Gardons le cap !

 

Espaces naturels n°45 - janvier 2014

Édito

Yves Verilhac
Directeur de l'Aten de 2006 à 2013

Ici le siège d’un Parc naturel régional est dégradé par des agriculteurs, laissant les salariés sous le choc ; là des équipements publics anti pollution sont détruits par des éleveurs ; ailleurs un Préfet ordonne la destruction de dizaines d’outardes quand un autre compare les requins à des délinquants. Au même moment, les langues et les plumes se délient sans pudeur : remettre en cause la légitimité de la protection de la nature et de leurs associations est devenu courant. Des espèces protégées sont vilipendées. Une récente ministre de l’environnement se plaint de l’augmentation du nombre de loups et de la baisse du nombre de chasseurs. Des médias peu scrupuleux véhiculent rumeurs et approximations sous prétexte de bon sens populaire enfin retrouvé.

Ce que nous pensions acquis fond comme neige au soleil, car les bonnes intentions ne résistent pas à la pression de la réalité, surtout quand celle-ci est doublée d’une crise économique durable. L’apparent consensus des démarches participatives se craquelle, laissant apparaître des intérêts contradictoires qui n’avaient jamais disparu. Plus qu’un paradoxe, un comble : des modèles non durables, largement subventionnés, ont mené des secteurs économiques dans le mur. Au lieu de s’interroger sur ces modèles, leurs professionnels dénigrent... les exigences environnementales. C’est sûrement plus facile ; sauf que les mêmes causes produiront les mêmes effets demain. En pire.

Au-delà de la seule écologie, toutes les valeurs fondatrices de la République sont ébranlées : les règles élémentaires du bien vivre ensemble sont mises en doute. Face à des actions violentes et à des idées nauséabondes, notre réponse ne peut pas être seulement technique. Et n’allons surtout pas nous mettre au même niveau que ceux qui doutent de tout, sauf de leurs certitudes simplistes. Nous devons nous inspirer des accompagnateurs sociaux confrontés à des éruptions xénophobes, et nous rapprocher des professionnels de la culture qui subissent les mêmes critiques.

Nos convictions reposent sur des connaissances solides. Sachons puiser dans nos valeurs que sont le respect du vivant, l’attrait pour la diversité, la solidarité et la tolérance. La pollution intellectuelle finira bien par se dissiper.

Restons professionnels, gardons le cap !