Agriculture et biodiversité : élargir le regard

 
« Il est temps d’inventer une agronomie de la biodiversité »

Espaces naturels n°20 - octobre 2007

Le Dossier

Bernard Chevassus-au-Louis
Directeur de recherche - Inra

 

Comprendre les relations entre agriculture et espaces naturels suppose d’appréhender plus globalement le lien entre agriculture et biodiversité. Deux points de vue nous ouvrent quelques pistes pour réfléchir à l’avenir.

L’agriculture moderne a opéré une puissante « compaction » de la biodiversité. Elle a ainsi opté pour des systèmes de monoculture n’exploitant qu’un petit nombre d’espèces, utilisant des variétés génétiquement homogènes, homogénéisant des paysages avec gommage des « irrégularités » (haies, talus, zones humides, bosquets, etc.).
L’agriculture perçoit à quel point la « compaction » qu’elle a imposée à la biodiversité dépend étroitement de l’accès à des facteurs exogènes : énergie, engrais et autres produits chimiques, dont la disponibilité économique ou la perception sociale vont devenir problématiques.
Le temps est donc venu d’inventer une « agronomie de la biodiversité » pour l’ensemble de notre territoire. Il convient de ne pas sous-estimer l’ampleur du défi : être à la fois performant sur le plan technico-économique et fournisseur de biens et services écologiques. Le respect de la biodiversité suppose l’élaboration de nouveaux savoir-faire, la multiplication d’expériences concrètes, avec des réussites et des échecs. Ce défi oblige en particulier à rompre avec le modèle classique de la recherche-développement, distinguant « producteurs » et « consommateurs » d’innovation et à concevoir de nouvelles pratiques intégrées d’innovation et de recherche, associant des acteurs et des savoirs variés dans des collectifs visant à élaborer à la fois de nouvelles manières de faire localement pertinentes et de nouveaux savoirs de portée plus générale. La mise en place de ces « systèmes locaux d’apprentissage » constitue l’un des principaux enjeux pour fonder un nouveau contrat social entre l’agriculture et les territoires. La réorientation des politiques publiques, notamment de la politique agricole commune, sera également un facteur clé mais aura d’autant plus de chances de s’opérer que des initiatives concrètes et nombreuses autour de ce nouveau contrat se développeront.