« Être autonome et créative dans son travail, c'est nécessaire pour rester animée »

 
Portrait

Marie Le Scanve aime exercer sa créativité. Dernièrement, c'est autour d'un bloc de 12,5 tonnes que l'animatrice de la Maison du littoral du site de Ploumanac’h, dans les Côtes-d'Armor, s'est entraînée. Un gros caillou. Fait du même granit rose que celui des rochers auxquels elle s'adosse tous les jours pour faire découvrir aux visiteurs ce site emblématique du nord de la Bretagne. Détachée en 2016 et 2017 par la mairie de Perros-Guirrec, l'animatrice de 44 ans a assisté, pendant un mois, le sculpteur Christophe Le Baquer sur le site de la Vallée des Saints à Carnoët. Un ambitieux projet associatif y prévoit l'implantation de 1 000 sculptures taillées dans du granit local. En 2016, Sainte Riwanon est ainsi née des coups de marteaux-piqueurs et de disqueuses du binôme. Marie Le Scanve a par la suite raconté l’aventure dans un ouvrage publié grâce à une cagnotte de financement participatif1.

La première tâche de l’animatrice, en arrivant à Ploumanac’h, a été d'accompagner des sculpteurs sur granit et d'animer la Maison du littoral. « Cette expérience a été vivifiante pour mon travail d'animatrice. Être autonome et créative dans son travail, c'est nécessaire pour rester animée », témoigne Marie Le Scanve. « Il faut tout inventer parfois dans nos métiers. Imaginer une animation avec une classe, c'est comme écrire une pièce de théâtre. » « Au sein de mon équipe, poursuit-elle, on ne s'interdit rien. L'été dernier, pour faire les suivis des insectes et de la flore, on a placé des quadrats au bord des sentiers. Les promeneurs nous apercevaient, avec nos loupes, nos cahiers, et cela a créé des interactions vraiment intéressantes. »

 

Quel tourisme ?

C’est Marie Le Scanve qui fut à l'origine de la « Marche des gardes » au cours de l'année 2015. Outre la célébration originale des 40 ans du Conservatoire du littoral, l'idée, explique l'animatrice, était de rendre plus visibles « notre lien à la nature et le lien entre nous pour protéger le littoral, ainsi que les diverses facettes du métier ». L'initiative consistait en une marche symbolique au cours de laquelle les gardes se transmettaient un sac à dos en relais. Marie Le Scanve y avait glissé un carnet de notes, pour que s'écrive une histoire collective. Initiée en Ille-et-Vilaine, la marche s'est terminée « en beauté » en Loire-Atlantique, figurant ainsi « le territoire historique de la Bretagne » souligne la Bretonne d'origine.

Elle qui ne se destinait « surtout pas » à rester en Bretagne y a finalement posé ses valises. Des études littéraires puis dans le domaine du tourisme l'ont amenée à s'intéresser à la valorisation du patrimoine. Elle réalise son stage de fin d'études à Ploumanac’h et redécouvre son « pays ». « J'ai alors réappris à regarder mon pays avec des yeux d'enfant », explique la garde animatrice. « C'est vraiment beau où l’on travaille », glisse-t-elle doucement. Mais une évolution « la titille » : « les visiteurs sont de plus en plus des consommateurs d'espaces naturels... Les gens veulent voir le maximum de lieux dans une journée, prennent quelques selfies... Les routes sont saturées l'été, les poubelles débordent, personne ne songe à ramasser ses déchets. Et finalement, on adopte des postures et des réflexes d'hôtellerie, en favorisant toujours la venue des visiteurs. » Ce site, qui accueille chaque année 600 000 personnes, a déjà été sauvé d'une destruction par le tourisme ; très abîmé à la fin des années 1990 par le piétinement, il a été aménagé avec des sentiers restreignant le passage au seul sentier des Douaniers. « Mais là, on atteint à nouveau des limites... », avance l'animatrice, qui réfléchit à la manière d'agir intelligemment face à la situation et de sensibiliser les élus et les touristes. Une idée étonnante ne devrait pas tarder à sortir.