Oui. Vous êtes concernés par le commerce d’espèces protégées

 
Droit - Police de la nature

Ismaël Alexandre Costa
Chef de la brigade Cites Capture

 

Les échanges touchant aux espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction sont surveillés et s’inscrivent dans le cadre de la convention internationale Cites, qui fête ses quarante ans cette année. Une brigade et un réseau sont à son service. Gestionnaires, vous êtes concernés.

Entretien avec Ismaël Alexandre Costa, chef de la brigade Cites Capture.

Comment avez-vous connaissance des trafics ?
Récemment, le nouveau locataire d’un appartement a signalé son mauvais état sanitaire à la Ddass. De fil en aiguille, nous nous sommes aperçus que la personne qui habitait là abritait des ouistitis.
Une autre fois, un reportage télé montrait un homme achetant un mamba noir et une vipère du Gabon. Deux espèces extrêmement venimeuses. Or, on voyait clairement qu’il ne maîtrisait rien. Les habitants du quartier l’ont reconnu et s’en sont émus. Notre intervention lui a certainement sauvé la vie.

La femme aux ouistitis, qu’est-ce qu’elle risque ?
15 000 euros d’amende et un an de prison. La condamnation à la prison ferme est exceptionnelle pour de
tels cas. Même si récemment, dans l’Hérault, un homme a été condamné pour détention de fauves.

La convention Cites veille sur les trafics, une notion qui évoque plutôt des profits commerciaux et non les agissements des particuliers…
Détrompez-vous… L’un des plus gros trafiquants, c’est le touriste qui prélève en nature parce qu’il veut ramener un souvenir. C’est du vrai trafic et il y a une telle masse de personnes que c’est ingérable, incontrôlable. Le dommage est excessivement important.

Il est donc interdit de détenir certains animaux…
Les choses sont réglementées, il faut avoir obtenu une reconnaissance de capacité administrative. Si vous souhaitez détenir un animal non domestique (éventuellement présent sur la liste Cites), vous devez démontrer que vous en connaissez les mœurs et la biologie…
Les éleveurs, animaleries, cirques, zoos, centres de sauvegardes… tous ceux qui détiennent de la faune sauvage doivent également avoir une autorisation préfectorale d’ouverture qui, en fonction des caractéristiques de la structure d’accueil, détermine combien d’animaux elle est en droit de recevoir.
Un autre type d’autorisation préfectorale permet de détenir des espèces disons… pas très compliquées, comme la tortue d’Hermann. Il s’agit d’une déclaration.

Qu’est ce qu’une espèce Cites ?
C’est une espèce inscrite au titre de la convention de Washington (Cites cf. encart), sur les échanges internationaux. Je parle bien d’échanges. Si je vous donne une tortue d’Hermann contre un boa constrictor, il n’y a pas de commerce. Il y a néanmoins échange. Ces espèces sont inscrites sur des listes en fonction du degré de menace sur leur état de conservation. Quatre niveaux sont identifiés en Europe. En annexe A, les espèces pour lesquelles tout échange est interdit sauf à obtenir une autorisation qui permet de déroger à l’interdiction générale… En annexe B, les espèces qui font l’objet d’échanges importants mais dont les populations peuvent supporter ce commerce. Des documents permettent leur traçabilité. En annexe C, les espèces qu’un seul pays demande de surveiller. Reste l’annexe D, y sont inscrites des espèces que l’Union européenne surveille en demandant une déclaration d’importation.

Comment faites-vous pour identifier l’origine d’un animal par exemple ?
Rien qu’avec les documents administratifs, et à condition de savoir les lire, on peut détecter la fraude. Nous pouvons également faire appel à l’analyse génétique. C’est une technique que nous utilisons dans les cas où l’espèce est très patrimoniale ou quand on suspecte un trafic.

Dans la pratique comment s’exerce votre surveillance ?
Notre brigade « Cites capture » compte six personnes, elle s’appuie sur deux cents autres agents qui, dans les services de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) sont formés, spécifiquement, sur cette problématique de la police de l’environnement. Ce matin par exemple, il me fallait identifier un babouin signalé dans un cirque de la région bordelaise. J’ai envoyé une photo de l’animal en cage à l’un de mes collègues de l’ONCFS pour qu’il ait le signalement de l’espèce. Nous travaillons également avec la douane, avec la gendarmerie. Nous tentons d’unir nos forces, nos compétences. Notre rôle est également d’animer ce réseau.

Comment les professionnels de la nature peuvent-ils vous aider ?
La sensibilisation du public est essentielle. Il faut dire et redire que les animaux ne seront jamais aussi bien que dans la nature. Ces professionnels ont également un travail de vigilance. Ils savent à quel endroit on trouve tel animal, tel oiseau, telle station, où sont les espèces remarquables… Il est bon qu’ils soient attentifs aux comportements des personnes. Nous ne leur demandons pas forcément d’intervenir mais de nous prévenir s’ils observent des choses particulières.

Vous souhaitez qu’ils fassent remonter l’information ?
Nous avons besoin d’eux. Il y a quelques années, je participais à un séminaire traitant du trafic des orchidées. Un douanier hollandais nous a présenté deux livres qui permettaient de trouver des stations. Tout y était décrit : les maisons, le chien, l’arbre, les points GPS… C’était très précis, même assez incroyable. Je me rappelle avoir envoyé les points que j’avais repérés à un collègue qui connaissait bien le milieu. Il m’a avoué : « Il y a des stations que je ne connaissais pas. »

Certaines gens ont des informations qui facilitent le prélèvement…
C’est pourquoi il est important que les gestionnaires soient vigilants. La tortue d’Hermann, le faucon pèlerin, la loutre, la civelle récemment en Charente Maritime… toutes ces espèces sont convoitées. Et je ne parle là que de la métropole.

Quelles sont les problématiques outre-mer ?
Disons qu’à Mayotte, nous traitons des tortues, de la tortue marine par exemple. À La Réunion, la détention de tortue malgache est devenue assez fréquente. Au point qu’on les observe aujourd’hui sur le territoire de l’Union européenne. Nous avons quelques cas de détention de coquillages en Martinique-Antilles. Récemment, pour les Antilles, nous avons aussi traité de mygales envoyées en colis postaux. La Guyane est une terre d’exploration pour les trafiquants. Des personnes capturent des colibris, des petits primates, des dendrobates…

Quel est votre pouvoir ? Vous dressez procès-verbal ?
Exactement. Nous sommes un service de police, nous instruisons à charge et à décharge afin que le procureur ait en main toutes les pièces et décide ou non de poursuivre. Des associations se portent parfois partie civile. Dans ce domaine, elles sont très actives et elles constituent un relais important.

Comment vous contacter ?
Par mél : sdX@oncfs.gouv.fr
X étant le numéro minéralogique du département. La personne écrit à mes collègues qui prendront l’affaire en main. •
 

> Recueilli par Moune Poli