Bénin

Malheureux changement de gestion à la Réserve de biosphère de la Pendjari

 
Vu ailleurs

Djafarou Tiomoko
Ancien directeur du parc national

 

Avec son bilan très positif, le modèle de gestion de la Réserve de biosphère de la Pendjari a fait école… Il a pourtant été mis en cause quand, en 2011, le gouvernement a fait des choix laconiques risquant d’anéantir les efforts accomplis.

Bénin. Un impressionnant dispositif a été mis en place afin de gérer la Réserve de biosphère de la Pendjari.
Dix années ont été nécessaires pour affiner une gouvernance impliquant toutes les composantes de la population locale. Les acteurs mobilisés ont réussi à légitimer les règles de la réserve ainsi qu’à assurer la légalité.
Le bilan met ainsi en avant une diminution du braconnage et une augmentation des populations animales avec, évidemment, des conséquences positives sur l’attractivité de la réserve.
Ce modèle de gestion a fait école dans la sous-région… Il a pourtant failli être mis en cause en novembre 2011 par les choix du gouvernement. Pour tenter de restaurer son autorité, l’État a décidé de redéployer des agents publics supposés assurer les missions de police. Il a également acté la suppression de l’accès aux ressources pour les populations, et notamment la pêche. Toutes ces mesures ont eu les conséquences qu’on imagine sur la chasse illégale.

Gouvernance. Le dispositif mis en place dans la Réserve de biosphère de la Pendjari avant 2011 s’appuie principalement sur des instances issues de la population locale. En premier lieu sur un comité de développement de la réserve. Celui-ci associe le conservateur, l’union des associations villageoises de gestion des réserves de faune (Avigref), les maires des communes riveraines.
Un comité de gestion des conflits entre faune sauvage et humains regroupe les mêmes acteurs. Par ailleurs, des acteurs multiples sont associés à la gestion opérationnelle :
• des écogardes, tous recrutés au sein de la population locale par le Centre national de gestion des réserves de faune (Cenagref) ; une démarche adoptée par cette institution paraétatique qui veut, par ce biais, améliorer les relations avec les populations riveraines.
• Les chasseurs professionnels locaux, anciens braconniers, sont impliqués du fait de leur expertise, de leur maîtrise du terrain, de leur connaissance des « secrets » de la réserve.
• Des auxiliaires villageois de la surveillance sont également désignés par l’union des associations villageoises Avigref afin de fournir un appui logistique aux écogardes.

Gestion. Traditionnellement, le suivi écologique constitue un domaine réservé à l’élite intellectuelle. Ici, a contrario, le travail est mené par une équipe plurielle réunissant un spécialiste, prestataire du Cenagref, et deux pisteurs issus de l’union des associations villageoises Avigref. Ainsi, à l’instar des actions visant la protection de la réserve, ces travaux scientifiques sont effectués en impliquant la population locale. Il en est de même des contrôles exercés sur les activités touristiques.
En effet, parce que la chasse sportive constitue la principale source de revenus des communautés locales, la surveillance de cette activité s’avère être une nécessité impérieuse pour les associations villageoises. L’Avigref met donc des gardes barrières et des hôtesses à disposition. À chaque entrée de la réserve, ils contrôlent le mouvement des touristes et perçoivent les droits d’accès.
Par ailleurs, des guides villageois accompagnent les touristes. Formés spécifiquement, ils représentent une autre catégorie d’acteurs.

Partage des bénéfices. Afin de maximiser l’adhésion de la population locale à la gestion de la Réserve de biosphère de la Pendjari, la viande issue de la chasse sportive est, pour l’essentiel, mise à sa disposition. L’Union des associations villageoises Avigref profite du revenu généré par la vente de cette viande dans les villages. Cette disposition permet aux populations d’accéder légalement à ce produit, moyennant le paiement de moins de 50 centimes le kilo, pour les membres Avigref, et de moins d’un euro le kilo, pour les autres.
De même, 30 % des recettes touristiques sont reversées aux Avigref. Elles représentent un facteur de mobilisation sociale et d’adhésion aux objectifs de conservation. Entre 2001 et 2010, les retombées financières directes au profit des villages riverains sont montées à plus de 190 millions FCFA, soit environ 295 000 euros pour une moyenne annuelle de 25 000 euros.
L’ensemble de ces fonds servent non seulement au fonctionnement des associations villageoises mais également à la lutte contre le braconnage et aux investissements communautaires.

Accès aux ressources. L’accès aux ressources étant une préoccupation majeure pour les habitants, une zone agricole, dénommée zone d’occupation contrôlée, a été négociée lors du zonage participatif de la réserve. Ce mode d’accès concerté entre parfois en conflit avec celui de l’attribution des terres par le mécanisme traditionnel. On note alors que le facteur le plus déterminant pour des accords locaux durables, acceptés par l’ensemble des acteurs, reste les négociations au sein de la population.
Quant à l’accès aux autres ressources naturelles, à savoir l’eau et les plantes médicinales, les règles d’utilisation sont définies dans le cadre des attributions des Avigref lesquelles parrainent les demandes d’accès et en assurent le contrôle.
Certes, le défi de l’accès aux ressources naturelles de la réserve n’a pas totalement été relevé. Il suppose maintenant de réviser les règles d’accès afin de permettre un contrôle plus efficace.

Stoppé net. Preuve de la vitalité de la démarche, l’Union des associations villageoises Avigref a vu naître trois regroupements d’acteurs au cours de son développement : Coton biologique, Association des guides locaux de la Pendjari et Réserves villageoises de chasse autogérées. Chacun d’eux a un intérêt économique lié à la réserve de biosphère.
La dynamique de succès était donc en marche…
Elle a été stoppée par le changement des règles de gestion et de gouvernance décidé en 2011. Sa mise en œuvre risque fort d’anéantir dix années d’efforts.
La mobilisation des communautés locales, appuyées par un mouvement citoyen national et international, devrait permettre à la légalité et légitimité d’être restaurées. L’espoir est désormais permis avec la prise de fonction d’un nouveau directeur sélectionné sur une base « transparente ». À l’heure où nous mettons sous presse, un memorandum d’accord entre le Cenagref et l’Avigref vient d’être signé. •