Aménagement

Impacts directs : des installations à surveiller et à faire évoluer

 

Espaces naturels n°67 - juillet 2019

Le Dossier

Christophe Tréhet

Les installations de production d’énergie renouvelable (éoliennes, panneaux solaires, usines hydroélectriques, centrales biomasse) contribuent à la transition énergétique. Mais, comme toute installation industrielle, elles doivent être évaluées sur le plan environnemental. Ainsi, quels sont leurs effets aujourd’hui connus sur la biodiversité et les milieux naturels ? Les connaissances s’affinent sur ce point et permettent d’entrevoir ou de proposer des solutions pour réduire les impacts.

Panneaux solaires au col du pas de Peyrol (Cantal). © Arnaud Bouissou - Terra

Panneaux solaires au col du pas de Peyrol (Cantal). © Arnaud Bouissou - Terra

La collision des oiseaux avec les pales est l’impact le plus couramment cité lorsque l’on évoque l’énergie éolienne (environ 7 500 éoliennes en France, pour une puissance totale de 15 GW). Il s’agit, en effet, de l’impact le plus facile à constater mais également du seul à faire l’objet d’une évaluation obligatoire sur l’ensemble des parcs français (chaque exploitant doit mettre en oeuvre un suivi permettant notamment de mesurer la mortalité de l’avifaune et des chiroptères due aux éoliennes dans les délais fixés par l'arrêté préfectoral). Le gabarit (croissant) des machines suscite selon Geoffroy Marx, en charge du Programme énergies renouvelables et biodiversité à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), « une vraie interrogation, notamment au sujet de la garde, c’est à dire la hauteur entre le sol et la pointe des pales en position basse ». Mais ce n’est probablement pas ce paramètre qui influe le plus sur les dégâts occasionnés.

« Cette mortalité, extrêmement hétérogène, dépend davantage de la zone d’implantation et du positionnement des éoliennes dans le paysage », estime ce dernier, sur la base notamment d’une étude des suivis de mortalité réalisés en France de 1997 à 2015 qu’il a coordonnée. Ainsi, à proximité des zones préservées et/ou à fort enjeu écologique, telle qu’une zone de protection spéciale, « les risques se révèlent bien supérieurs, notamment car on y trouve davantage d’espèces patrimoniales », conclut Geoffroy Marx. Selon ses analyses, « à moins d’1 km d’une ZPS, on trouve en moyenne le double de cadavres d’oiseaux à chaque prospection ». Que faire alors pour éviter ces collisions ? « La solution la plus efficace est de préserver les sites présentant de forts enjeux liés à la présence de chauves-souris ou d’espèces d’oiseaux patrimoniales », estime Geoffroy Marx en accord avec l'évitement préconisé par la séquence éviter-réduire-compenser. Une fois le parc éolien mis en service, il existe bien des solutions de bridage pour réduire la mortalité des chiroptères (il s’agit de programmer l’arrêt des éoliennes lorsque les conditions sont favorables à des pics d’activité des animaux) ; des solutions de génie écologique et des dispositifs techniques sont également développés pour réduire les collisions des rapaces avec les machines (un algorithme déclenche des signaux de dissuasion acoustique ou ordonne l’arrêt des éoliennes lorsqu’un oiseau est détecté à proximité). « Mais ces solutions restent insuffisamment efficaces lorsque les projets sont implantés dans des sites présentant de forts enjeux », juge Geoffroy Marx.

POISSONS SOUS PRESSION

Dans le domaine hydroélectrique, le passage dans les turbines des poissons qui dévalent le cours d’eau s’accompagne d’un risque de mortalité directe. Celle-ci, précise Pierre Sagnes, chef du pôle recherche et développement en écohydraulique à l’Agence française pour la biodiversité (AFB)1, « peut être due à des chocs directs par les pales (blessures externes, hémorragies internes) et/ou à des différences de pression dans les turbines, à des accélérations/décélérations excessives qui provoquent des lésions internes, un arrachage des yeux, un retournement des opercules, etc. » Par ailleurs, les poissons qui ne meurent pas peuvent « être désorientés en sortie de turbine et ainsi devenir plus vulnérables à la prédation. » Ce risque dépend de plusieurs facteurs. Citons en particulier le type de turbine, sa vitesse de rotation et la taille des individus, un petit saumon risquant moins d'être blessé qu’une anguille de 80 cm de long... « On peut alors cesser de turbiner lorsque des poissons passent, mais cela n’est possible que pour les espèces dont la période de migration est connue et suffisamment courte pour limiter la perte économique, explique Pierre Sagnes. La pose de grilles devant les turbines s’avère généralement une meilleure solution pour les usines de petite ou moyenne importance, mais il faut alors lui associer un système efficace de nettoyage ». La mise sur le marché de turbines ichtyo-compatibles, dans lesquelles les poissons peuvent passer sans se blesser, ouvre des perspectives intéressantes pour les ouvrages au dénivelé limité. Outre les collisions, les barrages fonctionnant par « éclusées » s’accompagnent d’autres risques à effet direct. Le temps d’un lâcher d'eau, le débit augmente très vite et très fortement à l'aval, emportant des poissons et invertébrés dans les zones de bordure du cours d’eau, et les laissant piégés une fois le débit de base rétabli. D’autre part, la vidange des barrages, souvent nécessaire pour éliminer les sédiments accumulés à l'amont, génère à l'aval des eaux très chargées en sédiments fins qui, précise Pierre Sagnes, « colmatent les habitats, recouvrent la végétation à la base de la chaîne alimentaire et peuvent abîmer par abrasion les branchies des poissons. »

(1) En association avec l’Institut de mécanique des fluides de Toulouse